Chroniques d'onirocritique

Article paru dans Votre Santé n° 99, janvier 2008

La douche au trop fort débit

Maxime se lave dans une énorme douche transparente. L’édifice se casse et tombe à la renverse, en arrière, causant des débris en raison du fort débit d’eau. Il part ensuite à une fête avec une amie.

La jeune rêveuse, vendeuse, a été « douchée » professionnellement et affectivement.

La transparence filtre un désir exhibitionniste, voyeuriste, l’envie de (se) comprendre, un rêve romantique (Rousseau et la « transparence des cœurs »). Ses parents sont divorcés, elle rencontre une difficulté d’emploi. Maxime – un ami – a ici, de sérieuses difficultés avec l’élément eau. L’allusion sexuelle est esquissée, elle tombe souvent de haut et les relations cassent. Dans l’espace intime qu’est la douche se révèle le mal-être de la jeune fille : maladresse, impéritie à juguler le flot émotionnel qui se traduit par un flux outrancier de paroles, une posture parfois renversante. La cabine de douche, par sa taille, expose l’importance de la norme : l’image du corps prend une grande place. Dans son métier, faire du chiffre, avoir du débit, est gage d’emploi et de prime. Elle se sent seule, confrontée à une certaine insociabilité héritée de son père, un embarras à vendre et à plaire alors qu’elle est jolie et désireuse de « se laver » = se justifier, se déculpabiliser (cf. Ponce Pilate, Lady Macbeth) des avanies subies : tentative de viol par un ami de sa mère, racket d’un collègue.
Où trouver l’équilibre pour goûter à la source festive de l’amour ?

 

Soana Kristen, psychanalyste onirocriticienne

Article paru dans Votre Santé n° 100, février 2008

Yeux dans les yeux avec Rachida

Lors d’une inauguration, je me retrouve avec Rachida Dati. Je la trouve très belle et la regarde dans les yeux. Nos visages sont à peine séparés par quelques centimètres. Nous discutons. J’ai l’impression que le courant passe puis nous nous sommes levés pour partir vers un tribunal.

Rachida est le type de femme du rêveur, PDG, impressionné par sa détermination et l’éclat de ses yeux. Après Molière « belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour », il a tout fait pour les beaux yeux de celle qui se cache derrière elle. Il a longtemps attendu avant d’entamer une procédure de divorce, très peiné après le départ de sa chère et tendre [cf. « à peine séparés »] et l’enlèvement de ses enfants. Décidé à n’user que de moyens légaux pour faire reconnaître ses droits bafoués tout en réfutant la loi « œil pour œil dent pour dent », il ne parvient à rien. Il ne se renie pas malgré les rebuffades et les monstruosités inventées par l’épouse qui va jusqu’à l’accuser d’inceste, voler sa voiture, séquestrer son fils. Sûr de ses choix et de ses actes il se relève et « se retrouve » au fil du temps. Sa concordance personnelle induit des concours inespérés qui font pencher la balance (de la justice) en sa faveur. Le rêve inaugure sa volonté « pouvoir me regarder dans la glace » dans ce face à face - tête-à-tête avec la Justice (en principe aux yeux bandés) de son cœur - où il re-garde la Garde des Sceaux, garante du pouvoir et gardienne des secrets, les siens.

 

Soana Kristen, psychanalyste onirocriticienne

Article paru dans Votre Santé n° 111, janvier 2009

« Prendre le temps, prendre une belle, prendre l’oignon »

Un rêve qui inclut sa propre interprétation. Rien de commun… comme l’homme qui l’a rêvé : Alexandre, pilote voltigeur et auteur érudit.

Scène 1 : On me donne (ou je prends) une montre à gousset
Scène 2 : Je sodomise une jeune femme
Scène3 : Je me dis (dans le rêve) que c’est la même chose et qu’il s’agit dans les deux cas de « prendre l’oignon »


Alexandre (mi dandy – mi bandit) a un goût invétéré pour l’analyse, le risque, la figure de style – en voltige comme en écriture. Il aime le texte et le sexe, dans le désordre pour le premier, dans l’ordre pour le second, citant d’emblée les Pères de l’église et leur principe explicatif d’un passage obscur de la Bible par un autre moins hermétique et les superposant pour en tirer une même conclusion.
Russe de naissance par son père qui l’abandonne mais lui offre, une fois pilote, une montre. Épisode qui se ranime lorsque j’évoque la notion de « prendre son temps » soulignée par la première scène - le temps (la montre) et sa chaîne d’or. Il souligne qu’à l’époque classique, l’expression signifiait « bondir » comme l’oiseau (ou le voltigeur) sur sa proie, choisir son moment. Le gousset fleure la gousse (d’ail – être aux petits oignons) et ses origines méditerranéennes – napolitaines par sa mère.
La chaîne (en filigrane) serait aussi le lien au père, le temps pris ou donné – selon le gré du père à poigne – et l’ambivalence du rêveur à cette attache. Voleur de montre. Père et mère enchaînés dans le temps. Alexandre a de la poigne et du bagoût.

La sodomie est un fantasme qui relate ses sensations contradictoires envers la femme, « prendre une belle ou se faire la belle », une mise plutôt qu’une muse. Oser est un savant dosage. Sa réflexion au réveil : « Je suis, elle me fuit ; je fuis, elle me suit » ou version petits oignons « Poignez vilain, il vous oindra ; oignez vilain, il vous poindra ». « Prends l’oseille (le pognon) et tire-la ». Sodomie ou viol ?
« Prendre l’oignon »

On passe immédiatement à peler l’oignon (pleurer), prendre des gnons, la loi des gnons, poignant. L’effeuillage comporte des aléas, donc des risques. Le temps les adoucit-il ? « Dans les deux cas » résonne comme une comparaison, un pas de deux à deux. La vie est un jeu de l’Oie – blanche comme l’oignon – où apprendre ses lois c’est « suivre son propre chemin » comme Iesus Christus – « l’oint ».
Prendre son temps, prendre une belle ou prendre l’oignon (voleur/violeur) c’est effeuiller l’événement – soi, sexe, texte – pour en savourer le goût et se découvrir enchaîné à l’or du temps.

 

Soana Kristen, psychanalyste onirocriticienne

Article paru dans Votre Santé n° 108, octobre 2008

Deux cents euros d’amende

Eva, jolie femme, mariée à un chef de garnison, a encaissé très longtemps le machisme du mari, fou d’elle, mais scandant ses phrases de : « tais-toi, t’y connais rien » dressant entre eux un mur dont l’alcool est l’unique porte au dialogue.

Au bout de vingt ans de ce régime, usée, Eva se pose la question du divorce. Son père et ses frères se rangent du côté du mari, aveuglés par son apparente bonhomie. Ses enfants, témoins du huis clos soutiennent leur mère. Elle rêve :

Je suis avec une de mes filles dans la voiture. Elle a un bébé sur ses genoux. Les gendarmes nous arrêtent : deux cents euros d’amende à payer. J’en suis malade. Le bébé n’était pas attaché.

Le songe montre qu’Eva assume son rôle d’épouse et de mère tant que ses enfants sont jeunes, mais aspire à la liberté. Son devenir amoureux (le bébé de sa fille et son « je-nous ») n’est pas attaché. Cette façon de voir en contradiction avec la règle ambiante représentée par les gendarmes a un coût. Deux cents euros s’entend « deux sans eros » « deux sans heureux ». C’est la dîme de l’amante, la matérialisation de ses conflits intérieurs, le prix à payer pour se détacher. Il la rend malade. Elle se rend malade car la décision de divorcer, non encore prise, l’angoisse inconsciemment.
Sortir du réglisme est le prix de sa propre évolution, le coût de son bien-être.
Un autre rêve, où elle perd son sac l’inquiète. Dans un autre, on lui court après.
Elle va perdre son identité de femme mariée depuis 25 ans, « on lui court sans doute, déjà, après ». Entre érotisme et agression – ce qu’elle vivait avec son mari – on lui fait la cour.
Ces deux fragments communs à beaucoup de rêveurs traduisent combien il est nécessaire de prendre le temps de la quête d’une nouvelle identité. Sept ans de psychanalyse à raison d’une séance trimestrielle est le laps qui lui a permis d’assurer et d’assumer sa décision de divorcer en dépit du (ou grâce au) harcèlement constant de l’époux. L’avocate et l’assistante sociale l’aidant sur ce nouveau chemin saluent le travail qui lui a permis de s’édifier et de s’épanouir là où tant se soumettent.

 

Soana Kristen, psychanalyste onirocriticienne

Article paru dans Votre Santé n° 114, avril 2009

L’enfant au frigo

Rêve : J’ai mis un enfant dans le frigo pour jouer. Je vais le chercher et lui demande d’oublier le jeu car sinon il risque de ne plus pouvoir ouvrir et de mourir.  « Il va pas pouvoir oublier, il est pas con cet enfant » commente Anita, la songeuse.

La vie est un passage trop bref pour ne pas tenter de se connaître au mieux. Telle serait la devise d’Anita joueuse et gagneuse devant l’éternel.

Elle accumule les trophées : voyages prestigieux, chèque à quatre zéros, Twingo…. Curieuse de tout elle (se) questionne, collectionne  les stages qui ne satisfont que très partiellement sa quête. « Je ne veux pas louper ma vie ». Son tout premier rêve évoque le froid, le jeu, laisse filtrer un rapport ambivalent à la vie et à la mort, à la froideur de la vie voire la frigidité. Il balance entre mise à mort (l’actualité de bébés au congélateur), procréation assistée (les embryons congelés) et survie après la mort (cryogénisation). Il est pas con évoque le « con » comme lieu de la naissance et souci de l’ouverture « polichinelle dans le tiroir » ou « cadavre dans le placard ». Sortir du « ventre froid » (oxymore) de la mère. Elle n’était pas une enfant désirée, avait peur d’être abandonnée. Sa mère est enceinte d’elle quand son père fait son 1er infarctus. Les deux sont décédés. « Je n’ai pas eu de relation avec ma mère. Je n’ai pas pleuré leur disparition ». Anita est devenue médecin pour contrer la maladie. Elle a trois enfants. Le problème de mort a été « mis au frigo ». Au frais ou au froid ? En attente (fraîcheur de l’enfance) ou en souffrance ? Elle a précisément un syndrome de Reynaud (froid dans les extrémités) et des soucis avec ses règles, des kystes mammaires et ovariens. La donne change au cours du jeu – elle a « ses règles ». Les siennes sont hémorragiques, handicapantes. Anita s’interroge sur le viol. L’a t-elle subi ? Elle veut rafraîchir sa mémoire défaillante. Reste–t-elle enfantine ? Son mari le lui reproche mais l’aime ainsi. L’enjeu véritable entre eux est d’attiser la flamme amoureuse qui s’est refroidie. Jouer c’est vivre mais peut être mourir. Vivre c’est oublier le jeu, voire le je. Cache-cache ou ballon prisonnier dans le couple ? Entre « délivrer » (prison) et « délivrance » (accouchement) Anita cherche à se libérer. One, two, three, go. Ou plutôt : free go. Le rêve comme accouchement de soi, l’analyse comme maïeutique.
Les règles du JE sont un dispositif /des dispositions pour se réchauffer tout en gardant sa joie de vivre.
Autrement dit : Si tu veux continuer à jouer / jouir, passe par le free go, être libres et égaux à deux et en toi-même ! conseille son inconscient.

 

Soana Kristen, psychanalyste onirocriticienne

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