Article paru dans Votre Santé n° 108, octobre 2008

Deux cents euros d’amende

Eva, jolie femme, mariée à un chef de garnison, a encaissé très longtemps le machisme du mari, fou d’elle, mais scandant ses phrases de : « tais-toi, t’y connais rien » dressant entre eux un mur dont l’alcool est l’unique porte au dialogue.

Au bout de vingt ans de ce régime, usée, Eva se pose la question du divorce. Son père et ses frères se rangent du côté du mari, aveuglés par son apparente bonhomie. Ses enfants, témoins du huis clos soutiennent leur mère. Elle rêve :

Je suis avec une de mes filles dans la voiture. Elle a un bébé sur ses genoux. Les gendarmes nous arrêtent : deux cents euros d’amende à payer. J’en suis malade. Le bébé n’était pas attaché.

Le songe montre qu’Eva assume son rôle d’épouse et de mère tant que ses enfants sont jeunes, mais aspire à la liberté. Son devenir amoureux (le bébé de sa fille et son « je-nous ») n’est pas attaché. Cette façon de voir en contradiction avec la règle ambiante représentée par les gendarmes a un coût. Deux cents euros s’entend « deux sans eros » « deux sans heureux ». C’est la dîme de l’amante, la matérialisation de ses conflits intérieurs, le prix à payer pour se détacher. Il la rend malade. Elle se rend malade car la décision de divorcer, non encore prise, l’angoisse inconsciemment.
Sortir du réglisme est le prix de sa propre évolution, le coût de son bien-être.
Un autre rêve, où elle perd son sac l’inquiète. Dans un autre, on lui court après.
Elle va perdre son identité de femme mariée depuis 25 ans, « on lui court sans doute, déjà, après ». Entre érotisme et agression – ce qu’elle vivait avec son mari – on lui fait la cour.
Ces deux fragments communs à beaucoup de rêveurs traduisent combien il est nécessaire de prendre le temps de la quête d’une nouvelle identité. Sept ans de psychanalyse à raison d’une séance trimestrielle est le laps qui lui a permis d’assurer et d’assumer sa décision de divorcer en dépit du (ou grâce au) harcèlement constant de l’époux. L’avocate et l’assistante sociale l’aidant sur ce nouveau chemin saluent le travail qui lui a permis de s’édifier et de s’épanouir là où tant se soumettent.

 

Soana Kristen, psychanalyste onirocriticienne

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