Article paru dans Vous et Votre Santé n° 8, janvier 2013
Débriefing au sommet du gratte-ciel
Ingénieur des ponts, jeune et vive, d’humeur toujours agréable, Ysaure travaille dans le BTP, un domaine très masculin voire macho. Elle ne déteste pas ses prérogatives mais souffre d’un manque de reconnaissance. Son rêve de gratte-ciel éclaire les maux subis.
Nous avions une réunion de travail au sommet d’un gratte-ciel avec mon patron et de nombreuses personnes. Je me faisais engueuler. Un ami collègue joue le bouclier. Je vois une fuite d’eau, ou plutôt un jaillissement dans le gratte-ciel d’en face. Nous sommes comme dans les tours jumelles du World Trade Center. Il faut fuir très vite. Par un sas, j’aperçois des corps nus ensanglantés qu’on évacue sur des brancards.
Ysaure se réveille angoissée et associe le rêve aux problèmes engendrés par le travail.
Quelles somatisations le songe dévoile-t-il ?
J’énumère la liste : Maux de tête, tourbillon mental, tensions du dos, pleurs faciles, pertes de confiance, perte d’énergie, problème de rein, rupture affective.
Elle acquiesce avec étonnement. La réunion au sommet d’un gratte-ciel – avec des sommités – évoque à la fois ses maux de tête « ça la gratte au niveau du ciel », ses tensions dans le milieu professionnel (réunion de travail dans un lieu qui se rapporte au travail et non à l’habitation), le tourbillon mental (vertige dû à la hauteur). La fuite d’eau comme signe de l’écroulement futur de la tour d’en face traduit un grave problème de plomberie que j’associe aux reins. Elle signe aussi une brèche émotionnelle – la fuite se rapportant à la tour jumelle indique la fuite de l’être cher – le jumeau affectif – ce qui occasionne une grave perte d’énergie (les pertes de sang voire de sens).
Pour Ysaure, le gratte-ciel représente une structure métallique déboulonnable qu’elle associe à la loi hiérarchique et à ses risques : être déboulonnée, être rabaissée, avec son cortège de pensées morbides (les corps ensanglantés voire morts). Quelles seraient les pistes pour éviter de somatiser ?
À l’évidence la première consiste à s’extraire rapidement de cette tour, de ce mental où le péril guette, en développant une vie plus festive par les activités sportives et relationnelles.
La seconde vise à se sentir maîtresse de ses émotions : « la patronne » en elle et autour d’elle, ce qui revient à ne plus être soumise aux aléas humoraux de son entourage professionnel et à ne plus se laisser « déboulonner ». Jeux de rôle, musicothérapie et stages professionnels l’aideront.
La tierce l’invite à se structurer – se verticaliser – par la psychanalyse afin de prendre de la hauteur vis à vis de l’événement, des émotions, et parler d’égal à égal avec ceux qui l’entourent, être son propre bouclier. Son « ciel » serait ainsi à ses pieds avec la promesse d’un éden relationnel à venir !
Soana Kristen. Psychanalyste onirocriticienne