Article paru dans Votre Santé n° 111, janvier 2009
« Prendre le temps, prendre une belle, prendre l’oignon »
Un rêve qui inclut sa propre interprétation. Rien de commun… comme l’homme qui l’a rêvé : Alexandre, pilote voltigeur et auteur érudit.
Scène 1 : On me donne (ou je prends) une montre à gousset
Scène 2 : Je sodomise une jeune femme
Scène3 : Je me dis (dans le rêve) que c’est la même chose et qu’il s’agit dans les deux cas de « prendre l’oignon »
Alexandre (mi dandy – mi bandit) a un goût invétéré pour l’analyse, le risque, la figure de style – en voltige comme en écriture. Il aime le texte et le sexe, dans le désordre pour le premier, dans l’ordre pour le second, citant d’emblée les Pères de l’église et leur principe explicatif d’un passage obscur de la Bible par un autre moins hermétique et les superposant pour en tirer une même conclusion.
Russe de naissance par son père qui l’abandonne mais lui offre, une fois pilote, une montre. Épisode qui se ranime lorsque j’évoque la notion de « prendre son temps » soulignée par la première scène - le temps (la montre) et sa chaîne d’or. Il souligne qu’à l’époque classique, l’expression signifiait « bondir » comme l’oiseau (ou le voltigeur) sur sa proie, choisir son moment. Le gousset fleure la gousse (d’ail – être aux petits oignons) et ses origines méditerranéennes – napolitaines par sa mère.
La chaîne (en filigrane) serait aussi le lien au père, le temps pris ou donné – selon le gré du père à poigne – et l’ambivalence du rêveur à cette attache. Voleur de montre. Père et mère enchaînés dans le temps. Alexandre a de la poigne et du bagoût.
La sodomie est un fantasme qui relate ses sensations contradictoires envers la femme, « prendre une belle ou se faire la belle », une mise plutôt qu’une muse. Oser est un savant dosage. Sa réflexion au réveil : « Je suis, elle me fuit ; je fuis, elle me suit » ou version petits oignons « Poignez vilain, il vous oindra ; oignez vilain, il vous poindra ». « Prends l’oseille (le pognon) et tire-la ». Sodomie ou viol ?
« Prendre l’oignon »
On passe immédiatement à peler l’oignon (pleurer), prendre des gnons, la loi des gnons, poignant. L’effeuillage comporte des aléas, donc des risques. Le temps les adoucit-il ? « Dans les deux cas » résonne comme une comparaison, un pas de deux à deux. La vie est un jeu de l’Oie – blanche comme l’oignon – où apprendre ses lois c’est « suivre son propre chemin » comme Iesus Christus – « l’oint ».
Prendre son temps, prendre une belle ou prendre l’oignon (voleur/violeur) c’est effeuiller l’événement – soi, sexe, texte – pour en savourer le goût et se découvrir enchaîné à l’or du temps.
Soana Kristen, psychanalyste onirocriticienne