P comme Psychanalyse

 

Du skin-head au chirurgien

– Je suis Soana Kristen, j’habite Paris. Je suis psychanalyste.
– Quel type de patients recevez-vous ?
– Beaucoup, hommes ou femmes en proportion égale, ruraux ou citadins, de diverses convictions ou confessions, de tout âge, de tout milieu, de toute condition, français pour la grande majorité, mais parfois sud-américains, maghrébins, anglais, allemands, africains, asiatiques, bien ou mal portants de toutes les catégories sociales, de la femme de ménage au PDG ou Directeur des Ressources Humaines, du migraineux au cancéreux, du banquier au jardinier, du skinhead à l’écolière, de la SDF au chirurgien, du phobique à l’arthritique, de l’avocat ou du juge à l’homme de main ou au journaliste vedette, du vigile à la paysanne, du boulimique à l’anorexique, du dyslexique au bègue, du cadre supérieur lauréat d’une grande école à la mère de famille nombreuse, de la grand-mère de 80 ans à la lycéenne droguée de 15, de l’anxieux au divorcé passé ou futur, de la jeune musulmane pratiquante à l’athée intégriste, des étrangers aux jobs à la sauvette aux attachés de ministère, des artistes dans l’âme aux légionnaires, des vivants ordinaires aux aspirations extraordinaires, rmistes, exilés, souffreteux, sans papier, et j’y tiens. Tous ces gens m’apportent énormément. Lorsque les visiteurs appartiennent au quart-monde ou sont démunis financièrement, je les prends gratuitement ou à des tarifs très modiques. J’apprécie le troc. Il est très important pour moi que la psychanalyse soit ouverte à tout le monde. À Paris, les artistes, metteurs en scène, comédiens, intellectuels, ont une tradition qui les pousse à entrer en psychanalyse. C’est une bonne manière d’évoluer, même si ce n’est pas la seule. 

Die Traumdeutung – La science des rêves de Freud

L’épreuve consiste à traduire un rêve figurant dans l’ouvrage le plus fameux de son époque sur le thème de l’interprétation des rêves. Il s’agit de la Traumdeutung de Freud autrement dit la science des rêves à l’épigraphe tonitruante empruntée à L’Énéide de Virgile :

Flectere si nequeo superos, Acheronta movebo
Si je ne peux fléchir les dieux d’en haut, je saurai mouvoir l’Achéron

Un héraut lit à l’assemblée les commentaires de Sigmund Freud :
Une de mes malades m’a rapporté un autre rêve, d’un caractère plus sombre, et qui lui paraissait contredire la théorie du rêve-désir. « Vous savez, me dit cette jeune fille, que ma sœur n’a plus qu’un fils : Charles ; elle a perdu le plus âgé, Otto, alors que j’habitais encore chez elle. Otto était mon chéri, je l’avais élevé moi-même. J’aime bien le petit, sans doute, mais je suis bien loin de tenir à lui comme à celui qui est mort. J’ai rêvé cette nuit que je voyais Charles mort devant moi. Il était étendu dans son petit cercueil, les mains jointes. Il y avait des cierges tout autour. C’était exactement comme lors de la mort du petit Otto.
Vous savez combien j’en ai été émue. Qu’est-ce que cela signifie ? Vous me connaissez, je ne suis pas assez méchante pour souhaiter que ma sœur perde son unique enfant. Le rêve signifierait-il que je préférerais la mort de Charles à celle d’Otto, qui m’a été si cher ? »

Je lui assurai que cette dernière interprétation était inexacte. Après quelque réflexion, je pus lui rapporter la signification réelle du rêve, qu’elle confirma d’ailleurs. Je le pus parce que je connaissais toute la vie de la rêveuse. Orpheline de bonne heure, la jeune fille avait été élevée dans la maison de sa sœur, beaucoup plus âgée qu’elle ; elle y avait rencontré, parmi les amis de la maison, l’homme qui avait fait sur son cœur une impression durable. Il sembla d’abord que cette inclination à peine avouée aboutirait à un mariage, mais sa sœur, sans que l’on pût trop savoir pourquoi, l’empêcha. Après cette rupture, l’homme aimé de ma malade avait évité la maison. Elle-même, quelque temps après la mort du petit Otto, sur qui elle avait reporté toute sa tendresse, était devenue indépendante. Mais elle n’avait pu se dégager de son inclination pour l’ami de sa sœur. Sa fierté lui ordonnait de l’éviter, elle n’avait pu cependant aimer aucun des prétendants qui s’étaient présentés depuis. Quand on annonçait quelque part une conférence de celui qu’elle aimait (c’était un professeur et un littérateur), elle se trouvait infailliblement dans l’auditoire ; elle saisissait aussi d’ailleurs toutes les occasions de le voir de loin dans les lieux publics. Je me rappelai qu’elle m’avait dit la veille que le professeur allait à un certain concert et qu’elle irait aussi pour le voir encore une fois. C’était la veille du rêve ; le concert avait lieu le jour où elle me raconta le rêve. Je pus donc interpréter le rêve aisément et je lui demandai si elle se rappelait un fait qui s’était passé lors de la mort du petit Otto. Elle répondit aussitôt : « Certainement, le professeur, qu’on n’avait plus vu depuis longtemps, est revenu, et je l’ai vu près du cercueil du petit Otto. »
C’était précisément ce que j’attendais. J’interprétai donc le rêve de la manière suivante :
« Si l’autre petit garçon mourait, la même chose aurait lieu. Vous passeriez la journée chez votre sœur, le professeur viendrait assurément présenter ses condoléances et vous le reverriez dans les mêmes circonstances qu’alors. Le rêve indique simplement ce désir de le revoir contre lequel vous luttez intérieurement. Je sais que vous avez dans votre poche le billet pour le concert de ce soir. Votre rêve est un rêve d’impatience, il a hâté de quelques heures l’événement de ce soir. »
Elle avait visiblement choisi, pour dissimuler son désir, une situation dans laquelle ces sortes de souhaits sont habituellement réprimés ; on est si plein de son deuil qu’on ne peut penser à l’amour. Et il est cependant bien possible que, même dans la situation réelle que le rêve copiait fidèlement, elle n’ait pu, auprès du cercueil de l’enfant qu’elle aimait si fort, réprimer ses sentiments de tendresse pour celui qu’elle n’avait plus vu depuis si longtemps.
Roxane après avoir entendu le commentaire de Sigmund Freud énonce son interprétation :

L’art de l’écoute

« Anaïs, lors de mes entretiens, il m’est parfois, souvent, arrivé d’être confrontée à des personnages hors norme venus s’ouvrir de leurs martyres : chirurgien violant sous anesthésie, tueur à gages, sidaïques contaminant à dessein leurs partenaires, individus à désirs pédophiles, drogués dealers, nymphomanes kleptomanes, abuseurs des faibles, parents ou enfants indignes. Et encore, ce sont les meilleurs qui viennent puisque rien ne les y contraint. Et je me refuse absolument – comme la loi voudrait m’y assujettir – à dénoncer quiconque vient se livrer sous le sceau du secret et de la confidence. Ce serait renier et trahir la confiance dont je suis dépositaire. Néanmoins, si je ne suis ni juge ni procureur, ma "charge"  m’impose une éthique. Comment y être fidèle ?
– Soana, l’art de l’écoute induit un retrait de soi, une mise en parenthèse – Pythagore se retranchant derrière le rideau – suppose d’enfermer sa propre vie dans une musette aux lacets bien serrés, puis de se prêter au jeu de l’écoute tout en restant impassible, inviolable en entendant des sornettes le cas échéant.
– Nous serions comme un satellite aux multiples panneaux qui capterait ou tenterait de tout saisir sans analyser.
– Imaginez-vous recevoir un couple Soana et entendre la femme fanfaronner :
"Moi, j’ai trois amants attentionnés" et l’homme claironner : "Je bats, sodomise, dévergonde et partage mes cinq maîtresses. Mon épouse, ici présente, s’y refuse, mais je m’amuse beaucoup plus avec mes copines " […] »

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